Tout emploi de reclassement d’un salarié physiquement inapte doit être conforme aux préconisations formulées par le médecin du travail dans son avis d’inaptitude et ce, même en cas de création du poste. S’il a un doute, l’employeur doit se rapprocher du médecin pour s’en assurer.
Cass. soc., 21 juin 2023, n°21-24.279
Un salarié plombier-chauffagiste, victime d’un accident du travail en 1984 et de plusieurs rechutes en raison de maux de dos, est déclaré inapte en 2017.
Le médecin du travail assortit son avis d’inaptitude de préconisations pour le reclassement du salarié : restrictions tenant aux difficultés à porter des charges, à se baisser et à rester trop longtemps dans une même position.
L’employeur n’a pas de poste disponible et/ou compatible avec ces restrictions. Il décide de créer un emploi d’assistant administratif, qu’il lui propose. Cet emploi implique des déplacements, notamment chez des clients en vue d’établir des devis et pour le suivi des chantiers. L’ampleur de ces déplacements et leur périmètre ne sont pas précisés.
Le salarié refuse cette proposition, au motif qu’elle n’est pas compatible avec son état de santé.
L’employeur en conclut qu’il n’a pas d’autre choix que de prononcer un licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Et le salarié de contester la rupture en arguant d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
La Cour de cassation, saisie du litige, donne raison au salarié et approuve la cour d’appel, qui a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Sa décision indique à l’employeur la marche à suivre pour s’assurer de la conformité de sa démarche de reclassement aux dispositions du Code du travail, et limiter ainsi le risque contentieux.
Aux termes de sa décision, la Cour de cassation rappelle les principes de reclassement fixés par le Code du travail, tel que modifié par la loi 2016-1088 du 8 août 2016.
L’article L. 1226-10 du Code du travail dispose que le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle déclaré inapte doit se voir proposer par l’employeur un emploi de reclassement approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou, le cas échéant, du groupe.
Cet emploi prend en compte les préconisations formulées par le médecin du travail et l’avis du Comite Social et Economique. Il est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Selon l’article L. 1226-12, dans le cas où la recherche de reclassement s’impose (c’est-à-dire hors dispense expresse du médecin du travail), l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.
La Cour de cassation en a conclu récemment que l’employeur bénéficie d’une présomption de bonne exécution de son obligation de reclassement, mais que celle-ci est renversée s’il n’a pas exécuté loyalement son obligation (Cass. soc. 26-1-2022 no 20-20.369).
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 juin 2023, les juges ont relevé que la proposition soumise au salarié, qui impliquait la conduite de véhicules, n’était pas suffisamment détaillée pour permettre à l’intéressé d’évaluer sa compatibilité avec les préconisations du médecin du travail. Celui-ci n’excluait pas la conduite de véhicules, mais prohibait le fait de rester trop longtemps dans la même position. Or la proposition de poste soumise au salarié ne lui permettait pas d’évaluer les temps de conduite, et donc en position assise, induits par le poste.
Il en résulte que l’employeur qui soumet une proposition de reclassement au salarié inapte doit rédiger son offre de la manière la plus précise possible.
La Cour de cassation rappelle ensuite que si le salarié conteste la compatibilité du poste avec les restrictions formulées par le médecin du travail, l’employeur ne peut passer outre. C’est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, le salarié justifie expressément son refus du poste proposé par ce motif.
A défaut, l’employeur peut se voir reprocher, comme en l’espèce, de ne pas avoir exécuté son obligation de reclassement de manière loyale et sérieuse. En outre, il prend le risque d’un manquement à son obligation de sécurité si, du fait du reclassement du salarié dans un poste qui ne serait pas adapté à ses capacités, l’état de santé de ce dernier se dégrade.
La Cour de cassation déduit de la combinaison des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail que lorsque l’employeur propose un poste au salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce poste avec les préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant son avis.
C’est la meilleure façon pour lui de s’assurer que le poste de reclassement correspond aux préconisations du médecin et, en cas de litige, de justifier de sa bonne foi et de sa loyauté dans l’exécution de l’obligation de reclassement.
En outre, pour la Cour de cassation, l’employeur doit obtenir l’aval du médecin du travail même dans le cas où le poste a été créé lors du reclassement du salarié.